Samedi dernier a eu lieu le récital de musique organisé par la professeure de mes enfants. C’était un spectacle informel, entre nous, pour le plaisir de passer du temps ensemble. Arrivés bon dernier (nous étions les plus proches de la famille accueillante), nous nous sommes assis aux côtés de quatre autres couples. Sur le tapis du salon étaient installés une dizaine d’enfants de trois à douze ans. Au centre de la pièce, le piano droit a été décollé du mur pour une meilleure acoustique.
Mélodie* nous a souhaité la bienvenue. Un sourire espiègle éclairait son visage. Ses yeux pétillaient. Elle nous a demandé d’éteindre nos téléphones ‘comme dans les vraie salles de spectacles’ puis elle a fait une pause.
Le silence s’est installé. La professeure de musique a commencé son récit…
La sorcière qui aimait piano**
« Savez-vous que, non loin d’ici, dans la forêt de Menez Bras***, a vécu une véritable sorcière ? » Nous étions déjà envoutés… « Sa maison existe toujours, elle se trouve au milieu du bois, non loin d’une petite mare avec des crapauds. Elle est vieille, délabrée, entourée de végétation.
La sorcière était une femme relativement jeune qui vivait au milieu des farfadets et des petits korrigans, mais elle ne pouvait pas les voir. Seuls les enfants peuvent voir et jouer avec les petits farfadets et les korrigans.
Alors la sorcière se sentait seule et s’ennuyait. Dans sa maison, elle avait un piano. Elle aimait bien cet instrument, elle en jouait comme cela de temps en temps. Mais les musiques qu’elle faisait n’étaient pas mélodieuses. Elles étaient même discordantes et elle l’entendait bien. C’était normal car la sorcière ne savait pas jouer du piano.
Un jour, la sorcière décida qu’elle allait apprendre à jouer de son instrument.
Comment faire ?
Aucun professeur de piano digne de ce nom n’accepterait de lui donner des cours : elle était beaucoup trop vilaine sorcière. Alors elle se mit à enlever des enfants, les uns après les autres, pour qu’ils lui montrent comment ils jouent de l’instrument.
Comme elle aimait le piano et entendre les enfants en jouer, la sorcière décida qu’elle allait reproduire son piano 500 fois pour faire jouer 500 enfants en même temps. Elle fit une potion, jeta un sort ‘Abracadrabra, kasak chic et kasak choc’.
Les pianos commencèrent à se multiplier, envahissant totalement sa maison. Il y avait des pianos partout, empilés les uns sur les autres. On ne pouvait plus circuler du tout dans son salon. La chambre était envahie, même le lit n’était plus accessible alors qu’on était encore très loin d’avoir suffisamment de pianos pour 500 enfants.
On n’avait même pas la place pour que les enfants puissent s’asseoir devant les pianos pour en jouer. Même les tout petits enfants.
Comment faire ?
Jamais elle ne pourrait faire entrer 500 pianos dans sa maison ! La sorcière se mit à réfléchir. Son regard errait dans la cuisine où elle se trouvait. Sur la table, non loin d’elle, se trouvaient des bananes.
‘BON SANG, MAIS C’EST BIEN SÛR’ cria-t-elle. Elle allait cintrer les pianos pour qu’ils prennent moins de place.Ce travail était titanesque et les enfants qu’elle avait enlevés manquaient de force pour l’aider. Elle décida donc, logiquement, d’utiliser des adultes.
Dans le Télégramme la sorcière fit paraitre une annonce alléchante « recherche musicien pour travail simple et bien payé ». Les musiciens de la région, naïfs et fauchés comme ils l’étaient, ont tous accourus rapidement. Quand ils ont vu la sorcière ils ont bien tenté de fuir… mais c’était trop tard : elle en fit ses prisonniers.
Les pauvres musiciens furent obligés de cintrer les pianos pendant des jours et des nuits. Ils tiraient, ils poussaient, ils suaient, c’était dur. La sorcière ne leur laissait aucun répit. Toujours il fallait cintrer, toujours il fallait travailler.
Quand ils eurent fini, 500 pianos remplissaient la maison, tous en forme d’arc de cercle. La méchante sorcière les remercia en les jetnta dans sa cave qu’elle ferma à clé.
Prisonniers ! ‘Bien fait pour vous’ dit-elle avant d’éclater d’un rire mauvais.
Maintenant qu’elle avait tous ses pianos, elle recommença à enlever des enfants, de plus en plus, pour constituer son super orchestre.
Pendant ce temps-là, dans la cave, les musiciens décidèrent de s’organiser… Ils firent l’inventaire de tout qu’il y avait autour d’eux : des bouts de bois, des bocaux de crapauds, un vieux chaudron rouillé, un vélo sans pédales et des aspirateurs –les sorcières ont troqué depuis longtemps leurs balais-.
Ils trouvèrent aussi des outils tout ce qu’il faut pour construire… un absorbeur de sons.
Cela prit encore des jours, des nuits et encore plus de jours. Mais ils y parvinrent en unissant leur effort. La machine prenait beaucoup de place dans la cave, les musiciens devaient se serrer contre le mur pour pouvoir la mettre en marche.
Quand ils le firent fonctionner, l’absorbeur commença par grincer et crachoter. Puis il absorba son propre bruit et devint ultra silencieux. Les musicien dirigèrent le tuyeau de l’absorbeur vers l’entrée de la cave.
Victoire !
L’absorbeur de sons fit un gros trou dans la porte. Puis il avala tous les pianos et même la sorcière… Les musiciens furent tous libérés et les enfants aussi ».
Ensemble, les musiciens et les enfants firent un bœuf musical pour fêter l’heureuse issue de cette histoire autour de laquelle s’étaient articulés les morceaux musicaux de chacun de nos artistes en herbe. Ce bœuf ne se mangeait pas, mais il avait un gout de jazz.
Le spectacle s’est fini dans un silence souriant
Les spectateurs ont applaudit à tout rompre la professeure-sorcière et ses élèves musiciens qui ont salués selon le protocole, sauf Loulou qui n’a pas voulu quitter les genoux de son père. C’était l’heure de l’apéro, nous avons poursuivi la fête en buvant un coup et faisant connaissance avec les autres familles pendant que nos enfants courraient un peu partout dans la maison avant de se retrouver à jouer dans le jardin.
Un verre à la main, Mélodie nous a raconté que, si l’histoire était sortie de son imaginaire, la maison existait bien, tout comme la mare. Elle est au creux du bois de Menez bras. C’est une maison ancienne, désormais en ruine, qu’elle a découvert récemment en se promenant dans le quartier (oui, cette perle habite dans le quartier, elle vient souvent à pieds pour sa leçon hebdomadaire avec les enfants).
Intrigués, nous l’avons questionnée. Le bois de Menez Bras touche le jardin partagé où nous allons souvent. Mais nous le connaissons mal. Je sais surtout qu’il est sur deux flans de coteaux, avec une route qui descend vers la mer qui le coupe en deux. Du second coteau, l’orée du bois domine la mer et descend jusqu’à la voie ferrée. Le bois n’est pas très grand, mais ses hauts arbres centenaires sont réputés.
Je décide immédiatement qu’un jour prochain nous irons voir la maison de la sorcière.
Fin de la première partie,
la suite est par ici (cliquer sur lien)
Et vous, avez-vous des conteurs autour de vous ?
*Le prénom a été changé
** L’histoire qui suit est une retranscription de mémoire, il y a quelques différences avec l’improvisation de Mélodie*
***Si le bois dont parle l’histoire existe réellement, son nom ici est sorti de mon inconscient… Menez Bras existe cependant, j’y suis déjà allée. (article non sponsorisé)
Quel récit ! J’ai commencé à le lire… et j’ai du le terminer 😉. Avec mon café en main ce fut très agréable !
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Merci beaucoup. J’y pensais ce matin sous la douche… je me dis qu’il y a là de quoi écrire un super roman… j’ai plein d’idées (ce qui manque, c’est le temps) pour étoffer l’histoire de ‘mélodie’ (en réalité, je me suis déjà àprorpié le récit en changeant des détails)
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j’adore l’histoire, j’ai été transporté ! Merci pour ce voyage 😉
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Merci pour ton commentaire 🙂
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